Claudine Decaux

Qui consulte un sexologue ?

Consulter un sexologue n’est pas exclusivement réservé aux déviants sexuels, comme un certain pourcentage de la population a encore tendance à le croire! Les motifs de consultation peuvent être tout aussi variés que le nombre d’individus sur terre, allant de la peur de l’engagement à la répétition d’échecs, en passant par la dépendance affective jusqu’aux troubles psychosomatiques (quand le corps parle à votre place). Tout ce qui touche de plus près à la vie sexuelle tels que le désir, l’orientation ou la mécanique peut également faire en sorte qu’une personne consulte en sexothérapie… Pour ne nommer que ceux-là.Petits et gros problèmes : Consulter un sexologue n’exige pas non plus que la personne vive avec de GROS problèmes. A ce sujet, et sans vouloir minimiser son importance, je citerais le cas de Nadine. Au moment d’un tournant professionnel majeur, elle con-sulte dans le but de faire analyser un rêve qui l’a bouleversée. Un autre exemple de petits problèmes est celui de Brigitte. Mariée depuis 6 mois et n’ayant jamais eu d’orgasme, Brigitte se croit inadéquate. Nous identifions qu’il s’agit davantage d’une absence de caresses au niveau du clitoris. Tout simplement, cette rencontre aura permis à Brigitte d’augmenter ses connaissances et lui donner le goût de découvrir son corps.

En général, toutefois, il n’est pas facile d’effectuer une telle démarche (cela demande un certain courage). La plupart y ont songé souvent très longuement -des semaines, des mois, voire même, des années- avant de pouvoir passer à l’action. C’est ainsi qu’au moment de prendre rendez-vous, ces personnes sont accaparées par un sentiment d’urgence. Ce qui semblait, autrefois, une «bagatelle», devient tout à coup une entrave majeure à leur bien-être. Submergés par ce qui les préoccupe, tout en ayant le sentiment de ne plus pouvoir fonctionner adéquatement, ces individus ou ces couples n’entrevoient plus de solutions viables, ce qui, effectivement, peut donner l’impression d’avoir de GROS problèmes.

Le rôle du sexologue sera, en ce cas, de désamorcer le vent de panique et rétablir ainsi, sous un angle plus prometteur, l’équilibre entre les perceptions erronées et la réalité. L’histoire de Patrick, 52 ans, illustre bien ces propos. Patrick se dit incapable de vivre une relation sexuelle complète sans avoir recours, par l’imaginaire, à la fessée. Ce fantasme lui procure une forte excitation mais il se sent coupable, jugé et anormal. Perceptions erronées : Patrick croit qu’il ne peut donner libre court à ses fantaisies parce que la société, en général, s’oppose à ce genre de comportements. La réalité : puisque ce fantasme ne constitue pas, en soit, un danger pour la société, l’idée n’est pas d’éliminer celui-ci mais bien d’apprendre à vivre avec, sans pour autant se percevoir comme un désaxé. Se sentant toutefois limité dans l’expression de sa sexualité, Patrick accepte d’élargir son monde fantasmatique en le diversifiant.

Des gens comme vous et moi : Vous seriez également étonné de constater à quel point les hommes consultent davantage que les femmes; et les jeunes, en plus grand nombre. Ces individus sont, de par leur personnalité, leur âge et leur profession, tout autant diversifiés que les raisons pour lesquelles ils choisissent de consulter. C’est un nouveau défi à chaque fois. Une expérience privilégiée où souplesse d’esprit et sens de l’adaptation sont à l’honneur… tant pour l’aidé que pour l’aidant.

Conditions préalables à la consultation
a) Coopération et autonomie : Pour obtenir des résultats satisfaisants, la personne doit tout d’abord être motivée. J’ai besoin de son entière collaboration, car plus j’ai d’informations, plus je suis en mesure de pouvoir l’aider. Si la personne attend de moi que je lui souffle les réponses, je ne pourrai utiliser librement mon rôle d’éclaireur. Rien n’est plus beau qu’une prise de conscience qui émerge du plus profond de soi-même, par soi-même. Rien n’est plus prédisposant au changement, tant convoité! C’est ainsi que la personne retrouve son pouvoir sur les événements. Il y a une différence notable entre mener sa vie et se laisser mener par elle.

b) Savoir profiter : La manière d’entrer en relation, avec le sexologue, reflète souvent la manière dont la personne entre en contact avec ceux et celles qui composent sa réalité extérieure. Jean-Claude, 28 ans, n’a jamais réussi à se faire une blonde. S’il réussit, avec moi, qui suis une femme, à développer et à maintenir un lien thérapeutique significatif, ses craintes et ses doutes s’atténueront de plus en plus. Il sera alors mieux outiller pour appliquer, à l’extérieur du bureau, ses nouvelles habiletés. Consulter peut donc parfois devenir un lieu de pratique.

c) Affinités : Le premier contact est déterminant sur la suite des événements. Je ne vous cacherai pas qu’il est essentiel de ressen-tir, de part et d’autre, des affinités, et d’être suffisamment honnête avec soi-même pour reconnaître leur présence ou leur absence. S’il y a incompatibilités, je préfère donc référer. Car ici, il s’agit d’un être humain.

La personne assise devant moi devient donc aussi importante que la prunelle de mes yeux. Au début de ma pratique, il y a environ dix ans, je croyais que je devais «aimer» tout le monde puisque mon rôle était d’aider. Vive les nuances! Certes, les affinités sont à respecter. Les limites du sexologue également. Je me souviendrai toujours de Martin, exhibitionniste. Ce qui importe, en thérapie, c’est davantage le sens que prend, pour une personne, sa souffrance. Le problème lui-même devient alors secondaire. Dans cette optique, il est donc possible de travailler avec pratiquement n’importe quelle genre de problématiques… mais pas à n’importe quel prix! Avec Martin, il s’avère impossible d’atteindre cet objectif, étant trop empressé de s’exhiber devant moi.

d) Réalisme, respect de soi et humour : Bref, la première étape consiste à évaluer la situation et à entrevoir, déjà, un plan d’action. Également, à discuter des attentes respectives et des objectifs visés. Ceux-ci doivent être accessibles. Au fur et à mesure du cheminement de la personne, et, bien entendu, à son propre rythme, les solutions envisagées commenceront dès lors à se manifester et à se concrétiser. L’idée principale est d’amener celle-ci à se positionner, de manière réaliste, face à son problème et à se respecter, sans se faire violence, face aux solutions envisagées.

C’est une étape essentielle, d’autant plus que cette même personne, plus souvent qu’autrement, soit déjà envahit par la peur. Peur suscitée par l’inconfort existentiel d’entrevoir la possibilité d’un changement dans son mode de vie (même si c’est pour le mieux). L’humour, en moments opportuns, peut très bien prendre place. Pourquoi ne pas en rire? On s’imagine qu’une thérapie, ça doit être sérieux. Pas nécessairement! Le rire libère les tensions, permet la dédramatisation et l’apprivoisement de nos peurs. J’admire ceux qui sont capables de rire d’eux-mêmes. Alors souriez, vous ne savez pas encore quels problèmes peuvent vous attendre! Il y a autant de solutions qu’il y a de problèmes et je n’exercerais pas cette profession si je n’y croyais pas!

Pour préserver l’anonymat et la confidentialité, les prénoms uti-lisés dans cet article sont fictifs et les cas exposés ont été modifiés.

Auteure: Dominique Themens, M.A.
sexologue clinicienne et psychothérapeute
Travaille en pratique privée à la Clinique Médicale Mont-Carmel.
On peut la joindre en composant le (514) 526-1738.

Parution originale : Magazine Corps et Âme, DEVENU le Magazine ADORABLE
Qui consulte un sexologue et pourquoi? Numéro 5, septembre 1999.